Nous voulons (ne pas) parler de Noémi Lefebvre

Projet : L'œil des étudiants



Parlons de Parle de Noémi Lefebvre
,

par Sam Racheboeuf
(doctorant à l’Université Grenoble-Alpes)

 

 

—  Nous ne sommes pas lefebvriens

—  Bien que pas non plus anti-lefebvriens

—  Les lefebvriens ne sont pas des amis

—  Loin de là, même

—  Quoique

—  Nous nous définissons plutôt comme post-lefebvriens

—  Bien que nous n’ayons pas tout compris de Lefebvre

—  Même si nous avons quelques bases

—  Nous aspirons en effet à une certaine culture

—  Alors nous avons lu Lefebvre

—  Que nous avons essayé de comprendre

—  Avec les moyens du bord

—  Avec beaucoup de prudence

—  Et pas mal d’inquiétude

—  Et de déception sans doute

—  Et nous n’y pouvons rien

—  Nous ne comprenons pas

—  Et nous sommes fatigués

—  Parce que ça nous dépasse

—  Même si ce n’est pas notre faute

—  En effet, putain

—  Ça demande du travail

—  Du mouron jour et nuit

—  Nous fûmes par moment carrément défaillants

—  Pour des raisons indépendantes de notre volonté

—  Car nous avons des failles

—  Dont nous sommes conscients

—  Bien que nous soyons attentifs à l’usage du langage

—  Bien que ce soit beau aussi

—  Et même littéraire

—  Car nous aimons la littérature

—  Eh oui

—  Nous ne sommes pas indifférents à la poésie

—  Mais légère

—  Ce qui n’a rien à voir

—  Dieu merci

—  Nous n’avons pas tout compris dans Lefebvre mais nous apprécions sa façon de réduire la voix de l’innommable à sa simple expression

—  Par exemple

—  Entre autres choses

—  Mais plus nous y pensons moins nous avons d’idée

—  Or nous sommes bien obligés d’y penser

—  Mais pour quoi faire en fait ?

—  Nous pourrions nous en passer

—  Nous ne voulons pas dire du mal de Lefebvre

—  Que nous ne connaissons pas

—  Que nous avons lu en battant la campagne

—  Que nous comprenâmes

—  Et comprîmes aussi

—  Mais bon

—  Il y a des sujets plus importants quand même

—  Alors nous évitons d’en parler

—  Mais nous nous y plions car nous n’y pouvons rien

—  C’est dire que nous sommes un peu tendus

—  Toutes ces choses nous travaillent

—  Mais nous ne voulons pas pour autant nous faire remarquer

—  Nous ne savons pas ce qui fait la valeur

—  Nous n’en savons rien

—  Mais nous y pensons peu parce que ça nous déprime

—  Nous parlons de Lefebvre, mais la connaissons-nous ?

—  De quel droit, en effet

—  Car qui sommes-nous

—  C’est trop facile de critiquer alors qu’on a le droit

—  Étant donné que nous n’avons rien fait

—  C’est peut-être aussi un petit peu cruel

—  Et nous n’avons pas d’autre idée à proposer

—  C’est clair

—  Mais nous n’aimons pas ça

—  Non non non, nous n’aimons pas du tout

—  C’est ce que nous nous sommes dit, que nous étions déprimés par Lefebvre et Parle

—  Dont nous pourrions décrire toute l’architecture

—  Mais nous n’allons pas parler de Parle, putain

—  Personne ici n’a envie d’en parler

—  Nous nous posons néanmoins des questions

—  Nous pouvons faire aussi des petites blagues

—  C’est la démocratie

—  Comme disait Lefebvre

—  À moins que ce ne soit n’importe quel couillon

—  Serait-ce un manque de volonté ou carrément du foutage de gueule ?

—  Ce serait dégueulasse

—  Moralement, en tout cas

—  De fait nous sommes toujours un peu limite

—  Alors que nous nous en foutons au fond

—  C’est pourquoi un petit grognement pourrait nous suffire

—  Mais nous ne l’avons pas fait

—  C’était trop cruel

—  Et nous ne le ferons pas

—  Alors que nous sommes contre

—  Contre Lefebvre, putain

—  Au fond qui a lu Lefebvre

—  À part quelques lefebvriens

—  Et Lefebvre forcément, même si c’est pas sa faute

—  Même nous, en fait

—  Nous avons lu Lefebvre mais nous n’en sommes pas sûrs

—  D’ailleurs nous n’en avons pas beaucoup de souvenirs

—  C’est ce qui nous a troublé

—  Il faut dire que ça nous dépassait

—  Il faut dire que c’est souvent écrit en tout petit

—  Nous nous démérdâmes surtout comme nous pouvâmes, en fait

—  Nous ne sommes pas lefebvriens mais nous connaissons bien ce pays de Parle

—  Que nous critiquons

—  Dont nous avions espéré être débarrassés

—  Non non non, nous n’y retournerons pas

—  Nous en avons encore le souvenir cuisant

—  C’est une chose que nous ne pourrions pas supporter

—  Ça nous angoisserait

—  Nous tomberions peut-être dans l’alcool

—  Ce qui nous semble un peu extrême, mais bon

—  Nous n’avons pas dormi

—  Nous y avons réfléchi dans la nuit et nous nous sommes dit que nous avions envie d’aimer Parle quand même

—  Preuve de l’indulgence qui nous caractérise

—  Est-ce par amour pour Lefebvre ?

—  En croyant bien faire ?

—  Ou encore autre chose ?

—  Comment le savoir

—  Nous ne saurions pas dire

—  Nous ne savons pas pourquoi

—  Nous n’en savons rien

—  Et ne voulons pas le savoir

—  L’eau a coulé sous les ponts

—  Nous en étions là

—  On y revient toujours

—  Presque toujours en fait

—  Nous n’avons plus d’idée

—  Comme nous l’avons déjà dit

—  Mais il faut se tirer à un moment donné

—  On l’oublie trop souvent à cause de Lefebvre

—  À laquelle nous échappons heureusement

—  Car nous avons besoin de rêver, nous aussi

—  C’est pour laisser place à des choses nouvelles

—  Et les laisser aux autres

 

 

Par Sam Racheboeuf
(Doctorant à l’Université Grenoble-Alpes)

 

One thought on “Nous voulons (ne pas) parler de Noémi Lefebvre”

  • Noémi Lefebvre says:

    Excellent et très drôle !

    C’est racheboeufien ou quoi ?
    Un tel plagiat en doctorat de Lettres, sans en faire une histoire, ce serait un peu fort de café…

    Merci Sam,
    Noémi.

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