Lenka Horňáková- Civade

« Les échanges avec les jeunes m'obligent à reformuler mes pensées avec plus de précision »

Le travail d'écrivain est avant tout un travail plutôt solitaire... Quelle importance revêt pour vous le fait d'aller à la rencontre directe du public ? Et plus précisément du public scolaire ?

Lenka Horňáková : Écrire, c'est s'extraire du monde pour mieux en rendre compte. C'est aussi s'abstraire du public, oublier le lecteur, lui aussi seul lors de la lecture. Deux solitudes se rencontrent, parfois un miracle se produit. Rencontrer le public, c'est être dans le monde, confronter différents points de vue. Le jeune public m'a offert un accueil formidable en attribuant le Prix Renaudot des lycéens pour Giboulées de soleil, mon premier roman écrit en français. J'ai ainsi découvert leur extraordinaire curiosité, leur exigence et leur appétit du monde. Les échanges avec les jeunes sont toujours forts et inspirants, ils m'obligent à reformuler mes pensées avec plus de précision. Je dirais que c'est une affaire de confiance mutuelle.

Qu'apportent ces rencontres à votre travail d'écrivain proprement dit ?

Si bien souvent pour écrire il faut s'extraire du monde pour qu'il ne soit pas une distraction, ce même monde est une source de grande inspiration lors des rencontres. Il s'agit très souvent de véritables et précieux échanges qui vont au-delà du roman en question. Au-delà des lecteurs, on rencontre les gens, une grande richesse.

Comment avez-vous vécu ces presque deux ans sans contact avec vos lecteurs ? Cela a-t-il changé votre rapport à cet aspect de votre travail ?

Avant la pandémie, déjà l'été précédent, je commençais à travailler sur mon roman Un regard bleu. Il exigeait une large étude du contexte historique. Quand le confinement fut décidé et après quelques jours de sidération (comme pour la majorité d'entre nous), je me suis retirée dans le XVIIe siècle, je suis rentrée dans le silence de l'atelier du peintre, côtoyant l'oeuvre et la pensée du philosophe, et je me suis inventée une routine et une discipline de travail qui occupaient mes journées voire mes nuits. C'était une période à la fois étrange et intense. Paradoxalement, cette réclusion était l'élan nécessaire avant publication. Néanmoins, j'ai été très impatiente de retrouver les regards, les sourires, les discussions. Pouvoir toucher l'autre, être en contact avec des amis, des proches, des inconnus, la société, tout cela me manquait. Puis, l'art et la culture m'ont paru au-delà de ma conviction encore plus essentiels.

PROPOS RECUEILLIS PAR STÉPHANE DUCHÊNE

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