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Tout peut-il être commun?

Cette publication est une ressource concernant les recherches sur le thème lié Numérique, fake news, modèle économique... L’éternelle crise du journalisme ? - Chose publique 2018

Elinor Ostrom, première femme à obtenir un prix Nobel d’économie en 2009, est aujourd’hui une référence majeure concernant la question des biens communs. En effet, elle a théorisé dans son ouvrage « Governing the commons : the evolution of Institution for Collective Action » la gouvernance des biens communs. Elle remet en cause l’idée classique selon laquelle leur gestion devrait être prise en charge par les institutions dominantes (firmes ou Etats).
Les biens communs correspondent en économie à l’ensemble des ressources, matérielles ou non, qui sont rivales et non-exclusives, car ils peuvent être dégradés par leur consommation. Se pose alors la question de l’élargissement de la notion de commun : tout peut-il être commun?

Historique

La notion de commun présente au Moyen Age a été occultée du droit français et européen avec l’affirmation de la propriété privée reconnue dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen comme un droit fondamental. Mais l’on constate aujourd’hui un renouvellement de la notion de commun en droit comme en économie sous l’effet de plusieurs facteurs d’évolution.

Le premier de ces facteurs est l’évolution technologique. Ainsi dans le domaine des nouvelles technologies s’est développée la notion de bien commun, notamment avec la naissance des logiciels libres dès 1985 notamment par Richard Stallman. En effet, un logiciel libre, tel le navigateur Firefox ou le logiciel bureautique Open Office, est un logiciel fourni avec l’autorisation pour n’importe qui de l’utiliser, le copier et le distribuer sans restriction par le créateur.

De même l’explosion d’Internet dans les années 2000, a remis en cause la propriété intellectuelle. Par exemple, en ce qui concerne le droit d’auteur, il nous est désormais possible d’avoir accès à un film en ligne, légalement ou illégalement, alors qu’auparavant se rendre dans un cinéma ou un vidéo-club était nécessaire. Cette évolution fait donc entrer dans le commun des productions intellectuelles auparavant protégées par le droit d’auteur. Enfin, l’usage d’Internet nous amène, en un seul clic, à mettre en commun des données personnelles et pose la question juridique de notre identité numérique.

Quels domaines pour les communs?

Le développement durable propose la gestion commune des ressources comme solution à la raréfaction de certaines ressources naturelles comme l’eau mais aussi comme solution pour favoriser la cohésion sociale. L’une des applications est l’expérience des jardins partagés.
Les jardins partagés sont un exemple de bien commun. Un jardin partagé autrement appelé jardin communautaire, est un espace public entretenu et cultivé par le biais du volontariat. Cette gestion permet alors de passer d’une propriété généralement individuelle et privée à un espace commun. Ainsi ces jardins amènent à un retour d’espaces exploités en commun comme c’était le cas dans les campagnes au Moyen Age, participent à la préservation de l’environnement et favorisent les échanges pour une société plus vivable.

Jardins partagés à Saint-Martin-de-Crau
Jardins partagés à Saint-Martin-de-Crau

Dans le domaine médical, les progrès notamment ceux de la transplantation d’organes pose aussi la question du commun. En effet, le don d’organes est possible car l’organe est considéré comme un bien commun disponible mais sans valeur marchande et sans prix. Ainsi, il est légal de faire un don d’un rein dans le but de sauver une vie mais il est complètement illégal de le vendre.

Nous pouvons aussi aborder la question de la marchandisation du corps dans la prostitution : le fait de vendre entièrement son corps comme s’il était un bien commun est illégal. En effet, cela reviendrait à considérer le corps comme un objet que l’on met à la disposition d’autrui en échange d’argent.

Limites et perspectives

On peut remarquer une première limite du commun, celle allant à l’encontre de la protection de la propriété. En effet, même si elle est protégée par des brevets, qui sont relatifs à la protection d’une innovation technique, ainsi que par des droits d’auteur, qui désignent la propriété exclusive sur la création, la contrefaçon montre bien qu’il existe des limites au commun. Elle montre que la protection de la propriété n’est pas toujours efficace. De plus, elle peut aller jusqu’à mettre en danger les consommateurs, si l’on prend l’exemple de la contrefaçon de médicaments.

Lorsque l’on considère ensuite le corps comme un bien commun, la loi pose des limites en se référant à l’éthique. L’éthique peut se définir comme l’ensemble des principes moraux qui sont à la base de la conduite de quelqu’un ou d’un professionnel. L’éthique explique que les lois interdisent le commerce des organes, de son corps dans la prostitution ou la gestation pour autrui (En effet, le corps ne serait-il pas une partie de notre identité? C’est pourquoi le fait de faire don de son organe reviendrait à donner une part de nous-mêmes.)

On pourrait également se poser la question de l’éthique par rapport à l’identité numérique. Ce terme peut être défini comme étant un lien technologique entre une entité réelle (personne, organisme ou entreprise) et des entités virtuelles (ou ses représentations numériques). Alors une photo diffusée sur le web est-elle toujours par exemple un élément de l’identité personnelle? Acceptera-t-on la mise en commun de sa représentation? Il semble plutôt que l’on souhaite aujourd’hui protéger l’identité numérique des personnes en refusant qu’elle devienne un bien commun.

La question de l’identité numérique illustre aussi les deux limites (le respect de la propriété, le respect de l’éthique): le fait que les GAFA ( Google, Apple, Facebook et Amazon) s’approprient nos données personnelles pour créer de la valeur est à la fois une atteinte à la propriété et à l’éthique, ces données révélant certains aspects de notre vie privée que nous ne voulons pas forcément livrer: nos préférences sexuelles, nos maladies….

Quel avenir pour les communs?

Ainsi la notion de commun progresse sous l’effet de plusieurs facteurs: les progrès technologiques, médicaux et la recherche d’une gestion plus durable des ressources. Toutefois ces progrès remettent en cause des principes moraux et juridiques. La question de la gestation pour autrui est un exemple de débat où s’affrontent la volonté d’une femme de mettre en commun son corps pour aider un couple stérile et des questions éthiques et juridiques autour de la marchandisation du corps et de l’identité de l’enfant.

Les sources utiles pour cette publication :

Pour écrire cet article nous nous sommes aidé des sources suivantes : Site internet à caractère scientifique

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