Vous consultez une publication écrite par : Lycée Aragon Picasso (Politique)


Résumé chapitre 6 : Faire société par le côté gauche

Cette publication est une ressource concernant les recherches sur le thème lié Démocratie, forces en présence. Grand entretien avec Pierre Rosanvallon - Chose publique 2018

     Classes, nation et république

La République est patriotique, et l’identification du peuple et de la nation a longtemps été si évidente qu’elle allait sans dire: la société, c’est la nation.

Le « modèle républicain » constitue aujourd’hui une manière de figurer l’unité idéalisée de la vie sociale autour de trois grands socles : les classes sociales, la nation et les institutions.

Les conflits du travail et les mouvements progressistes construisent un système de droit et de dettes.

La République sociale doit rendre à chacun ce qu’il à donner à la collectivité par son travail. La République est patriotique.

La société est l’adhésion à une culture et à un imaginaire commun.

La République c’est enfin des institutions, à commencer par l’école qui « fabrique » des citoyens français.

Durant les Trente glorieuses, on a même pu croire que la multiplication des diplômes associée à celle des emplois qualifiés permettrait à tous de prendre l’ « ascenseur social ».

Cette trilogie républicaine dessine les piliers d’un imaginaire social.

Depuis quelques décennies, les sondages montrent obstinément que  les Français ont le sentiment que l’ordre des classes ne tient plus et que les inégalités sociales explosent.

La sensibilité aux inégalités est d’autant plus forte que l’imaginaire national.

Une partie de la souveraineté politique est abandonnée à des institutions internationales dont les citoyens se méfient d’autant plus qu’ils pensent ne pas peser à cette échelle de décision.

Parler de l’école, de l’hôpital ou de la justice c’est d’abord décrire leur « crise ».

Non seulement l’école ne tient guère la promesse de l’égalité des chances, mais il est peu vraisemblable qu’elle le fasse jamais quand se multiplient les marchés scolaires.

Quant aux institutions politiques, elles ne parviennent pas à enrayer l’abstention et la défiance.

      La « société » nous lâche

Tous ces sentiments de crises procèdent des mutations profondes.

Alors que le contrat républicain demandait à l’individu de tenir son rang, sa place et sa fonction, l’individu est aujourd’hui tenu d’être actif, d’avoir des projets, de s’engager, d’affirmer sa singularité et de se lier aux autres par mille réseaux sociaux.

Le transfert du poids de la vie sociale vers l’individu participe du projet même de la modernité qui, à cet égard fait de nous tous des « libéraux ».

La régulation se substitue aux règles.

Les politiques publiques sont donc plus locales, plus ciblées, plus éphémères.

Aujourd’hui, la cartographie des injustices se transforme : elle désigne moins les inégalités et des positions que celles des écarts d’opportunités se fractionnant sur une multitude de registres

La lutte contre les discriminations devient la figure centrale de la justice sociale.

Le triptyque républicain qui tenait la société se défait à droite. Du côté de l’extrême droite  c’est la république nationale qui est en cause.

Il se crée une gauche républicaine souvent ancrée dans les classes moyennes inquiète de voir l’Etat les lâcher, une gauche parfois conservatrice, comme le montre le succès un peu ambigu d’une laïcité rigide.

      Agir à gauche et Priorité à l’égalité

Des nouvelles personnalités de gauche arrivent dans un contexte de libéralisation économique. Ils sont vus par la population comme des opportunistes capitalistes et subissent donc un rejet. On remarque alors un mouvement national autoritaire qui donne lieu à de l’anticapitalisme et un repli nationaliste.

Pour le parti de gauche l’égalité est la principale condition de vie sociale pour l’harmonie. L’inégalité renvoie à la délinquance, l’insécurité, défavorable à la santé, ferme les groupes, affaiblit le civisme (moins de vote et moins disposer à payer les impôts), baisse du sentiment de vivre dans la même société, défiance et peur des autres, augmentation de la séparation urbaine et culturelle.

La volonté des français est donc une société qui offre aux pauvres les revenus les plus élevés possibles. On se pose alors la question suivante : faut-il limiter les très hauts revenus ?

Les sociétés inégalitaires sont une irrationalité morale et sociale.

Le système fiscal actuel a tendance à protéger les plus riches. Ils sont alors favorisés dans les domaines de l’éducation, de la santé et du logement.

Le resserrement des inégalités sociales permettrait donc une égalité des chances et une meilleure mobilité sociale.

Les inégalités de revenus renvoient à une structure de classes.

Priorité à l’individu

La gauche cherche une réduction des inégalités, une protection sociale avec une tendance conservatrice, contre donc l’autonomie et l’émancipation.

Il n’y a donc pas de rêveries libertaires et autogestionnaires.

    Priorité à la démocratie

Dans l’expression « faire la société », le mot société » compte moins que le verbe « faire ». Dans le principe de justice on relève la conception de « bien ». Le fait que nous désirons autant la liberté que l’égalité ne suffit pas à régler le problème des priorités. Le règne de la reconnaissance est suspendu à celui de la justice. Donc dans le sens « faire la société » est d’abord une activité politique parce que la politique démocratique représente l’unité de la vie sociale à travers ses débats, ses conflits et ses compromis. Par ailleurs, la gauche est du genre timide en matière de vie démocratique.

La démocratie ne concerne pas seulement la vie politique. La vie démocratique relève d’un nombre élevé de décisions relative (politique urbaine, vie des établissements scolaire, gestion des équipements sociaux).

On  peut retrouver une sorte de tension entre l’intérêt général, la rationalité technique, les humeurs de l’opinion et l’égoïsme.

On a ironisé, en France, sur la politique des « accommodement raisonnable » développée au Québec sont parfois moqué de quelque commission. Ces commissions ont été réunies pour essayer de proposer des républiques raisonnables en matière de question difficile.

Par ailleurs, nous nous méfions de la démocratie de la même manière que nous nous méfions de l’individu. Nous avons peur d’un peuple irrationnel, incapable de se détacher de ses passions, de ses intérêts et l’aboutissement d’un accord éternel.

La démocratie est d’abord une activité, un travail collectif dont la fonction essentiel est « faire la société ».

Le postulat individualisme invite à rendre chacun capable d’agir. De plus, le discours de la volonté et de la volonté d’un seul ne peut faire illusion.                                                                                                                                  La gauche préfère souvent faire semblant de croire qu’elle peut changer la donne économique mondiale, ce qu’elle a peu de chance de faire.

La société dans laquelle nous vivons ne possède plus ni la structure ni l’homogénéité que nous lui avons prêtée au temps du « contrat social » républicain. Nous devons accepter de combiner des principes de justice et d’action différente afin de reconnaitre la séparation des problèmes et des enjeux.

La vision réformiste manque d’allure, et de flamme car elle n’esquisse aucun horizon utopique parce qu’elle ne décrit pas la vie sociale comme un mécanisme de domination absolue. Pourtant, c’est ainsi que nous pouvions faire la société par le coter gauche, celui de la générosité et de la solidarité.

Biographie de François Dubet :                                                                                                                                    François Dubet est un sociologue, professeur à l’université de Bordeaux et directeur d’études à l’EHESS. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’éducation, la justice sociale et la théorie sociologique. Il a publié notamment Les Places et les Chances, mais également Repenser la justice sociale.

 

Pour écrire cet article nous nous sommes aidé des sources suivantes :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *