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Numérique, fake news,modèle économique: l’éternelle crise du journalisme?
Cette publication est un article concernant les recherches sur le thème lié Numérique, fake news, modèle économique... L’éternelle crise du journalisme ? - Chose publique 2018
Avec notre groupe, nous avons pu assister à la conférence qui a eu lieu le 17 novembre 2018 à la Villa Gillet autour du thème “Numérique, fake news, modèle économique : l’éternelle crise du journalisme”. Le but de cette conférence était de cerner les changements auxquels le journalisme actuel est confronté. Elle était animée par Thibault Sardier, journaliste à Libération, et faisait intervenir Géraldine Mühlmann, professeure à l’université Paris 2 en sciences politiques, Alexandre Devecchio, journaliste du Figaro, et Eric Fottorino, créateur du journal Le 1.
Les personnes présentes ont d’abord abordé le sujet des “fake news” (qualifiées plutôt de “rumeurs”, le terme de “fake news” n’est pas utilisée par Madame Mühlmann), avant de s’intéresser au modèle économique. Dans ces deux cas, le numérique est resté un thème de fond, mais omniprésent. Dans les questions posées en fin de table-ronde, le thème de la nouvelle loi dite “anti fake news” était sous-jacente, avec la difficulté de transposer ce sujet sur le plan juridique, en intégrant la notion de liberté d’expression.
La perception du journalisme d’aujourd’hui
La perception du journalisme a énormément évolué depuis plusieurs années. Alexandre Devecchio, rédacteur du Figaro, nous parle d’une “coupure entre le média et le lectorat”. Par la faute de titres aguicheurs, sur-interprétants les faits, les individus ne se sentent plus représentés. De plus, les fake news n’encouragent pas le sentiment de confiance entre les individus et le journalisme. En effet, une méfiance concernant le web s’est donc installée. D’après Alexandre Devecchio, une phrase sortie de son contexte peut prendre une ampleur inattendue. C’est le cas de “l’affaire Pétain”, avec Emmanuel Macron. Le Président de la République souhaitait distinguer le général de la Première Guerre mondiale et le chef de l’Etat français en 1940-44. On a donc perdu le recul temporel qui existait avec la presse écrite.
De plus, le phénomène d’immédiateté du web, où les journaux numérisés ne recopient que les dépêches fournies par les agences de presse, accentue le côté homogène et la dispersion d’info dites “brutes” et n’apporte plus d’intérêt. Le manque de confiance du lecteur envers le journalisme provient aussi de ce que l’on appelle “le nouveau journalisme” une société consommatrice, qui recherche à tout moment des informations plus neuves et plus racoleuses les unes que les autres. Les journalistes ne prennent plus le temps d’enquêter et ne font que transmettre des informations sans les vérifier. Ce qui crée un doute et un manque de confiance de la part de l’opinion publique qui est de retour grâce aux réseaux sociaux et précipite ainsi la reconversion médiatique. Le web a aussi une grande place dans cette opinion publique, puisque chaque recherche sur internet nous amène à d’autres informations vérifiées ou non et souvent sans aucune réflexion. Ce phénomène s’appelle alors la “Crise de l’attention”.
Y’a-t-il un moyen de changer cette perception et mettre le journalisme sous un jour nouveau et une identité plus fiable ?
La liberté d’expression est l’une des libertés fondamentales en France et accorde le droit à toute personne de donner son avis. Cette liberté ne peut être entravée par la censure dans un état démocratique, mais une loi existe pour condamner les fausses informations. Cette loi est très difficile à appliquer et n’est souvent pas appliquée. Le problème ne peut donc pas être résolu de cette manière et doit être solutionné par l’assiduité journalistique. Eric Fottorino, ancien journaliste du monde et fondateur de l’hebdomadaire “le 1”, nous parle d’un journalisme devenu “marécageux”. Le journalisme, selon lui, devrait enquêter de manière rigoureuse, penser les événements et ne pas succomber à la dimension “industrielle” et “financière”. Mais pouvons-nous à notre échelle faire quelque chose pour éviter toutes ces fakes news et retrouver de nouveau confiance en les médias ?
Géraldine Mühlmann, répond par l’affirmative. Nous lui avons posé la question. Pour elle, il faut lire la presse papier et les médias dans leur ensemble. Mais, il convient d’examiner l’information et de vérifier par nous même les communiqués. Dans une société où l’information est omniprésente il est important de ne garder que l’important pour une meilleure compréhension du monde dans lequel nous vivons.
Un phénomène récent: les fake news ?
Les fake news ne sont pas un phénomène nouveau, mais le numérique a permis une diffusion beaucoup plus rapide de nouvelles de plus en plus nombreuses, et dont une bonne proportion, à défaut d’être fausses, ne sont pas vérifiables.
D’après Fottorino, les fake news ont pour but d’accrocher l’œil, et sont donc généralement de “nouvelles » informations (logique du “tell me something I don’t know” aux Etats-Unis, par exemple). La modification du sens des mots, comme dans “le vrai est un moment du faux” et “the truth isn’t true”, entretient l’obscurantisme, par exemple le mouvement antivaccins.
Toutefois, la loi dite “Fake News” votée à l’Assemblée le 10 octobre 2018, visant à mieux contrôler la diffusion des nouvelles fausses en période électorale, a été longuement critiquée. Et la polémique n’a pas forcément tort. De nombreux responsables politiques, journalistes et experts ont pointé du doigt l’instauration du principe de “deux poids, deux mesures” pour la liberté d’expression. En effet, il est difficile de s’imaginer comment une régulation de l’information, partagée dans différentes plateformes numériques telles que Facebook et Twitter ou même dans les médias d’information en ligne, ne serait pas perçue comme une entrave au principe démocratique fondamental de la liberté d’expression.
De plus, d’après Geraldine Mühlmann, la justice, et plus précisément des juges, ont du mal à faire appliquer cette loi, car ils doivent prouver que la fake news est fausse en moins de 48h. C’est une situation d’autant plus inconfortable qu’ils prennent le risque d’empiéter et d’entraver la liberté d’expression. L’article 27 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse en France apporte déjà des sanctions à la diffusion intentionnelle de nouvelles fausses.
Enfin, il faut définir les similarités et les différences entre les “fakes news” et la “rumeur”. La rumeur est l’ancêtre des fakes news. Elle se développe à l’époque de la presse de narration et du “stunts journalism” (au XXe siècle), parce que les journaux cherchaient à vendre la meilleure histoire, à faire « le buzz ». Elles avaient des conséquences moins importantes que les fakes news aujourd’hui, qui sont apparues avec internet et donc avec la propagation d’informations qui se diffusent plus rapidement que jamais et qui transcendent les frontières. Mis à part cette différence dans la rapidité de propagation d’information, la rumeur et les fakes news constituent un même et seul phénomène.
Cette propagation rapide d’informations en continu entraîne ce qu’on appelle la “crise de l’attention” chez les lecteurs. L’information trouvée sur le web est en effet précise, mais non traitée de manière profonde, ni hiérarchisée par ordre d’importance. Le lecteur perd petit à petit ses capacités de réflexion et ne se pose plus les questions essentielles : “que suis-je en train de lire ?”, “d’où cela provient-il ?” et “Comment cela peut m’impacter ?”.
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