La démocratie numérique

Cette publication est une ressource concernant les recherches sur le thème lié Ce qu’internet fait à la politique - Chose publique 2018

Villa Gillet – Festival La Chose Publique
21h à 22h30 – Table-ronde « Internet une nouvelle scène politique » 21 novembre 2018
« La voix du web », Baptiste Kotras, septembre 2018 – Edts du Seuil et La République des Idées. Ce livre est tiré d’une thèse pour le doctorat de sociologie réalisée de 2011 à 2016.

INTRODUCTION : Ce que pensent les gens.
 Document 1 : Un acte politique.
Dire l’opinion constitue un acte nécessairement performatif et donc politique, qui consiste à faire exister un public « opinant », en le dotant de préférences et d’intentions. Les formes collectives ainsi produites, décrites et parlées, prennent vie et équipent notre compréhension du monde social. Surtout, la connaissance de l’opinion est presque toujours orientée vers l’action, dans la mesure où stratégies politiques et marchandes s’appuient depuis longtemps sur la connaissance toujours réactualisée des publics concernés et de leurs préférences.
Comprendre la spécificité des instruments de l’opinion en ligne implique de les réinscrire dans la riche histoire des techniques de l’opinion, objet dont la mesure a de longue date intéressé l’Etat, puis les médias et les grandes entreprises. Comme l’écrit Loïc Blondiaux, on peut distinguer différents régimes de l’opinion, c’est-à-dire des manières bien définies de mettre en forme, de connaître et d’agir sur les – ou à partir – des opinions des populations. Ces différents régimes, ancrés dans des époques, des projets et des instruments très variés, constituent des manières différentes, voire antagonistes, de connaître et de gouverner « ce que pensent les gens ». La surveillance étatique des opinions, fondée dès le XVIIIème siècle sur l’écoute clandestine des conversations, diffère largement des études de marché, qui ne recoupent pas non plus le régime de vérité propre aux pétitions ou encore aux sondages. Si tous ces dispositifs visent à mettre en forme des « opinions », leur contenu politique et épistémique* varie du tout au tout.
Ce livre raconte l’émergence et la stabilisation d’un nouveau régime de l’opinion qui, sans se substituer au sondage, réhabilite des modes de connaissance qui lui sont antérieurs (et que celui-ci avait marginalisés) en important, dans la mesure des opinions, des savoirs et des instruments inédits, notamment issus des sciences informatiques. Suivant des trajectoires d’innovation variées, les différents acteurs que nous étudions réactualisent des conceptions de l’opinion qui, contrairement aux sondages, ne modélisent pas l’opinion comme une addition de préférences individuelles, mais comme un phénomène éminemment collectif et socialisé, où l’inégale influence des différents locuteurs joue un rôle essentiel. Extrait page 12 & 13
*qui se rapporte à l’épistémologie, partie de la philosophie qui étudie les conditions de validité des connaissances

QUESTION 1 – Qu’est-ce qu’une opinion, « l’opinion » ?
QUESTION 2 – En quoi connaître « ce que pensent les gens » constitue-t-il un acte politique ?
QUESTION 3 – Qu’est-ce qu’un régime de l’opinion ?

CHAPITRE 1 : De la mouche* au sondeur (*agent «délateur» au XVIIème siècle sous l’autorité de la lieutenance générale de police de Paris)
 Document 2 : Quantifier : l’invention de la représentativité.
…(Les) promoteurs du sondage (George Gallup, Elmo Roper et Archibald Crossley) cherchent (dans les années 1930 aux Etats-Unis) à produire un outil capable de connaître et de faire connaître l’opinion du public sur les affaires du jour, informant ainsi le débat public et l’action du gouvernement. Le projet des sondeurs vise donc à revitaliser la vie démocratique par la production scientifique d’une opinion publique permanente, amenée à trancher sur tous les sujets.
Cette alliance entre science et démocratie, qui explique l’attrait et la puissance du dispositif, se propage au domaine marchand. (…)
Une caractéristique essentielle du sondage, qui constitue l’une de ses forces autant qu’un objet récurrent de critiques depuis celle du sociologue Herbert Blumer, réside dans la façon dont le dispositif impose à l’enquêter un nombre fini de réponses à une question, conçues en amont de l’enquête et qui permettent la commensuration* des opinions entre elles. Encadrées par le dispositif du questionnement, des opinions singulières, conjoncturelles, diversement informées, deviennent alors assimilables les unes aux autres. Intentions de vote, mais aussi avis sur la conjoncture économique, la compétition politique ou les qualités de telle personnalité ou tel produit deviennent commensurables et comparables entre eux. Extraits pages 25 et 26
*recherche d’une commune mesure

QUESTIONS 4 & 5- Précisez quel est le projet des sondeurs dans les années 1930 aux Etats-Unis et caractérisez les forces et faiblesses du sondage ?

 Document 3 : le web dans le prolongement d’une histoire longue
Comment l’irruption de la parole en ligne et les acteurs qui s’en saisissent contribuent-ils à renouveler la mesure des opinions ? Comment leurs expérimentations se stabilisent-elles pour produire de nouvelles manières de connaître et de gouverner cette catégorie si particulière ? En quoi le nouveau régime de l’opinion réactualise-t-il des technologies politiques plus anciennes ? En tentant de tirer profit de l’abondance des traces de conversation numérique, les acteurs de l’opinion en ligne (start-ups technologiques et agences de conseil) élaborent des outils qui renouvellent et pluralisent à nouveau les modes de connaissance de leur objet.

En s’intéressant aux publications des internautes, ces acteurs choisissent de traiter un matériau surabondant et, surtout, préexistant à la mesure. Contrairement à une enquête par sondage, il est impossible de calibrer à priori les opinions étudiées, recueillies dans toute leur diversité et dans l’infinité potentielle des sujets traités et des nuances exprimées. Surtout, dans la mesure où le web social laisse une large place à l’anonymat, il est presque toujours impossible de savoir « qui parle », c’est-à-dire de caractériser les publics opinants en fonction des variables traditionnelles telles que l’âge, le sexe, la profession ou le lieu de résidence.
Tirer parti de la spontanéité de l’expression en ligne suppose donc de renoncer au paradigme de la représentativité statistique. (…) Extrait pages 29 & 30
QUESTION 6 – Recherchez les différences notifiées entre l’enquête par sondage et la mesure de la parole en ligne ou la voix du web ? Vous pouvez aussi utiliser les documents 1 & 2.

Il y a deux grandes approches de l’opinion en ligne. Dans le chapitre 2, Baptiste Kotras décrit un premier modèle de l’opinion en ligne fondé sur l’échantillonnage des publics. Ce modèle est porté par des agences et des start-ups principalement issues des mondes de la communication, du marketing et des sciences humaines et sociales à partir des années 2000. L’expérimentation se fait dans le domaine politique (l’élection présidentielle de 2007, par exemple) puis les analyses sont élargies aux entreprises. La valeur ajoutée repose essentiellement sur le travail des analystes, chargés d’études.
Le concept de représentativité est important.
Ici, sa conception n’est pas mathématique, mais explicitement politique car les «meilleures» opinions sont privilégiées dans les échantillons des analystes, comme le souligne l’auteur, page 33.

CHAPITRE 2 : Redéfinir la représentativité sur le web

 Document 4 : le découpage communautaire du websocial
Le concept de «communauté» est de longue date utilisé en sciences sociales pour décrire la sociabilité des internautes autour d’un centre d’intérêt partagé, dans des groupes de discussion ou des réseaux de blogs. Dans les années 2000, il est aussi fortement investi par les professionnels du marketing et de la communication digitale, pour décrire des groupes de consommateurs d’un produit ou d’une marque. Définie sur un intérêt ou un projet commun, cette forme sociale est également centrale dans la façon dont les spécialistes de l’opinion en ligne décrivent le web, qu’ils conçoivent le comme un kaléidoscope de communautés thématiques relativement distinctes, au sein desquelles les internautes échangent sur leurs passions et préoccupations, racontent leurs loisirs, leurs consommations aussi bien que leurs réactions à tel sujet d’actualité.

Si le concept de communauté est utilisé par tous les échantillonneurs de l’opinion en ligne, l’entreprise qui a poussé le plus loin la formalisation est Linkfluence, pionnière sur le marché français, fondée par quatre ingénieurs de l’Université de technologie de Compiègne (UTC). (…) Outre son inspiration de sciences humaines (…), le concept de communauté pour Linkfluence naît du champ des link studies. (…)
Le projet de recherche de l’UTC, dont émergera Linkfluence en 2006, s’intéresse aux régularités structurelles qui gouvernent la distribution des liens hypertextes sur le web. L’une de ses références principales, à cette époque, est l’universitaire américain Jon Kleinberg, bien connu dans l’histoire du web en tant que concepteur de l’algorithme HITS. (…) HITS permet de mesurer l’autorité d’une page web (…). (Jon Kleinberg) met en évidence une loi presque invariable sur le web documentaire : un tout petit nombre de sites concentrent l’essentiel de l’autorité, tandis que l’immense majorité d’entre eux sont très peu cités – et donc très peu visibles. En outre, (il) montre que les sites qui s’échangent des liens tendent à partager un même centre d’intérêt, démontrant ainsi l’existence d’un principe affinitaire dans l’échange de liens hypertextes.
Ces deux résultats sont au cœur de la conception de l’espace social en ligne de Linkfluence , et donc de ses techniques d’échantillonnage.( … ) Prenant pour objet le débat sur le droit à l’avortement, les quatre ingénieurs démontrent que ses partisans comme ses adversaires constituent des territoires hypertextuels politiquement homogènes. En cartographiant le réseau des liens que s’échangent les multiples sites et blogs consacrés à la question, ils démontrent l’existence de clusters, grappes de sites densément reliés entre eux et très peu avec les autres sites, partageant donc une même position, pour ou contre le droit à l’avortement. Extraits des pages 33 à 36

QUESTION 7 – Présentez la start up Linkfluence ?
QUESTION 8 – Trouvez la signification de linkstudies, de lien hypertexte, de l’acronyme HITS, de clusters ?
QUESTIONS 9 & 10 – Qu’est-ce qu’une communauté sur le web social ? De quoi naît ce concept pour Linkfluence ?
QUESTION 11 : Quels sont les deux résultats au cœur de la conception de l’espace en ligne de Linkfluence ?

 Document 5 : Une mesure médiatique et relationnelle de l’opinion
Avec la sélection des internautes les plus mobilisés, l’échantillonnage des locuteurs les plus influents achève de redéfinir le concept de représentativité, en un sens bien différent de son acceptation statistique. Interrogé sur le caractère non représentatif de la mesure d’opinion en ligne, le cofondateur de ( l’agence) Synthesio argue d’une toute autre définition du concept :
La réponse qu’on a toujours eue à ça, à la limite, c’est : perception is reality. C’est-à-dire que même s’il y a une majorité silencieuse, que ce n’est pas statiquement valable, l’important c’est ce que les gens voient, ce que les gens voient et qui est public, ce qui fait finalement la réalité de la conversation. C’est ça qu’on va mesurer et capter. C’est ce qui est en ligne, ce qui va être visible dans les moteurs de recherche. (…) On ne peut pas l’ignorer. Entretien mars 2015
Selon les partisans de l’échantillonnage par visibilité, le caractère représentatif de leur méthode tient à la nature même du matériau traité : les échanges spontanés des internautes. Par définition, seules les opinions les plus relayées sont accessibles par ce médium. C’est cette expression qui, par sa visibilité, contribue à former les perceptions du plus grand nombre, en particulier de la grande majorité des internautes silencieux.

Les agences et start-ups adeptes de l’échantillonnage réactualisent une opposition, soulignée par Gabriel Tarde, entre deux principes de légitimité de l’opinion : le principe de numération et le principe de pondération. Selon Tarde, une opinion peut s’imposer par le nombre de ses adeptes, comme c’est le cas lors du vote ou du sondage ; mais elle peut également s’imposer grâce à l’influence et au poids que détiennent ses partisans. C’est ce second principe, celui d’une opinion pondérée par l’importance sociale et médiatique de ses détenteurs, qui est réactivé par le web social. Les échantillonneurs de l’opinion en ligne rompent ainsi avec l’acceptation strictement numérique et atomistique de l’opinion qui est celle des sondages.
Ce type d’échantillonnage produit une opinion autorisée, où seuls les plus visibles sont habilités à représenter l’ensemble des locuteurs sur le web. La représentativité des échantillons ainsi construits est redéfinie en un sens qui fait ressurgir le caractère politique de la délégation ainsi opérée.
Le modèle ainsi bâti fait de la mesure des opinions une mesure de réputation. (…) Extraits des pages 46 à 49

QUESTION 12 – Quelles sont les principales caractéristiques de l’échantillonnage de l’opinion en ligne ?
QUESTION 13 – Comment l’Agence Synthesio (un des concurrents de Linkfluence sur le marché) justifie la représentativité de cette méthode ?
QUESTION 14 & 15 – Recherchez qui est Gabriel Tarde et retrouvez les deux principes de légitimité de l’opinion qu’il défend et que reprennent les adeptes de l’échantillonnage ?
QUESTION 16 : Expliquez la dernière phrase ?

 Document 6 : Le poids et le nombre : les clés de l’enquête
Comme dans une enquête classique, l’opinion mesurée tire sa valeur des procédures contrôlées par lesquelles ont été sélectionnés et mis en forme des publics qui la portent. Cette approche hybride mêle donc le matériau non contrôlé que constituent les publications des internautes, fait « d’indices » de l’opinion préexistant à l’enquête, et des techniques d’enquête inspirées de la grammaire classique de l’objectivation, fondée sur des procédures stables et reproductibles, ainsi que sur la mise à distance des prénotions de l’enquêteur. Extrait pages 58 et 59

QUESTION 17 : Caractérisez la posture du chercheur ?

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