Donner du sens aux mots

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Projet : Le bureau des idées


Les élèves de 1G1 du lycée Jean-Paul Sartre (Bron) débutent leur travail et leurs lectures sur notre sujet : Hospitalités et migrations.

 

Nous avons mis en commun les trois premiers mots qui nous viennent à l’esprit quand nous pensons à « Hospitalité et migrations ».

Le travail a été réalisé en deux groupes, d’où les deux nuages de mots. Pour éviter que les élèves ne s’influencent les uns les autres, les mots sont restés secrets jusqu’à ce qu’ils soient dévoilés en commun : la taille des mots dans le nuage reflète la fréquence de leur occurrence.

 

 

Camille Schmoll : Tout d’abord bravo pour ces nuages de mots : ils nous rappellent combien la migration est un processus. D’abord il engage un pays de départ, un pays d’arrivée et le migrant lui-même (ou la migrante). Ensuite, l’intégration ne peut résulter que d’une relation entre celle/celui qui arrive et ceux et celles qui sont déjà sur place. C’est pour cela que des phrases comme « ils/elles ne veulent pas s’intégrer » n’ont pas de sens, car l’intégration est un processus qui engage avant tout les sociétés qui reçoivent.

 

Nous avons lu la présentation biographique de Camille Schmoll et nous nous sommes répartis les éléments de la mallette pédagogique. D’autres élèves se documentent en cherchant des ressources par ailleurs.

Tristan propose de débuter en apportant des définitions, celles des mots qui lui semblent importants, et d’abord « Migrant » et « Réfugié ».

CS : Il y a plusieurs façons de donner du sens au mot. Concernant les questions de migrations, il y a les mots qui correspondent à des définitions juridiques ou administratives ou encore statistiques (par exemple pour l’ONU un.e migrant.e est une personne qui traverse une frontière internationale, quitte un pays dans lequel elle avait élu domicile pendant au moins un an pour s’installer dans un autre pays pendant au moins un an). Ce sont des définitions claires, on en fait partie ou pas. Un réfugié est quelqu’un dont on reconnaît le statut en vertu de la Convention de Genève de 1951, donc une personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ». En France, c’est l’OFPRA qui est l’organisme en charge de déterminer si telle ou telle personne peut être reconnue comme réfugiée et donc bénéficier du droit d’asile.

En revanche dans le langage commun, ces termes sont parfois déviés. Par exemple on parlera de migrant.e pour désigner les personnes qui vivent dans des camps ou sont sur les routes, alors que la plupart des migrants et des migrantes ne sont pas du tout dans cette situation !

 

Anne et Diane ont essayé d’apporter des éléments de réponse en lisant le compte-rendu du livre de Camille Schmoll et du précédent, Migrations en Méditerranée.

Quelques premières questions surgissent, quelques premières remarques.

Rizlane a lu le compte-rendu de Comment faire et a bien compris que l’enjeu est d’imaginer le mode de demain. Elle se demande pourquoi ce sujet, « hospitalités et migrations », a intéressé Camille Schmoll. Elle voudrait aussi lui demander quelles sont les valeurs et les enseignements qu’elle souhaite transmettre dans son livre, Les Damnées de la mer.

CS : Le sujet de l’hospitalité n’est pas directement ce qui m’a intéressé, ce qui m’a intéressé c’est d’abord de restituer l’expérience des femmes. Mais le sujet de l’hospitalité c’est en quelque sorte imposé moi car ces dernières années on a vu que face à ce qu’on a nommé (probablement à tort) la « crise migratoire », ce ne sont souvent pas les institutions qui ont donné les réponses les plus fortes et les meilleures mais plutôt les individus (comme Cédric Herrou) ou encore des organisations (comme SOS Méditerranée ou Médecins sans frontières qui ont envoyé des bateaux pour sauver les personnes en mer) ou encore des associations, comme la CIMADE en France qui aide beaucoup les personnes migrantes en difficulté. C’est peut-être ça que j’ai voulu transmettre à travers mon livre l’idée qu’il ne faut pas avoir peur de l’autre mais au contraire l’accueillir. D’abord parce que l’autre est le reflet de ce que nous sommes et de ce que notre société deviendra: si nous l’accueillons bien, nous créons les bases pour une meilleure vie commune. Mais surtout, parce que l’autre, contrairement à ce qu’on entend souvent, n’est pas dépourvu de ressources, bien au contraire. Si nous donnons aux femmes que j’ai rencontrées pour le livre les moyens de « mener leur barque », elles nous surprendrons par leur initiatives et leurs capacité à s’en sortir de par elles-mêmes ! Mais pour cela il faut les aider quand elles arrivent plutôt que de les maintenir dans des situations de difficulté et d’illégalité chronique qui les marginalisent.

L’hospitalité c’est cet ensemble de pratiques qui fait ne nous n’allons pas fermer nos portes à l’étranger « qui vient », qui se présente; même si cet étranger peut parfois nous faire peur à cause de toute ce qu’il charrie en termes d’images. Ce sont ces images qui nous ramènent toujours à l’idée de la migration comme celle d’une ‘horde’ : en réalité rapporté à notre population, ces migrations ne sont pas si importantes. 

 

Gabriel, quant à lui, s’interroge sur ce qui a poussé Camille Schmoll à s’intéresser plus spécialement aux migrations féminines en Méditerranée. Il aimerait également avoir un éclairage sur le traitement médiatique réservé aux migrants : Pourquoi selon-vous les media nous donnent-ils toujours une image négative de la migration ?

CS : Les media ne donnent pas tous une vision négative mais il est vrai que souvent l’impression qui prévaut est celle d’une invasion, d’un flux incessant de personnes dirigées vers l’Europe. À vrai dire, j’en veux surtout aux décideurs politiques car ils savent très bien que la migration est un phénomène contrôlable et pas si important que ça du point de vue numérique. Mais ils refusent d’apporter des solutions de peur de paraître trop laxistes auprès des opinions qu’ils choient. En fait, ils instrumentalisent la question migratoire à d’autres fins et ne sont pas très courageux dans leur approche du phénomène.

Quant à la raison pour laquelle j’ai souhaité m’intéresser aux femmes cher Gabriel, c’est que je suis tombée sur elles, tout simplement. En effet même si on les voit peu (ou pas) elles sont nombreuses. Il faut savoir que la moitié des migrants en Europe aujourd’hui sont des femmes. Et je me suis rendue compte que leur situation en migration (comment dans de nombreux autres domaines) était sous-documentée. S’intéresser aux femmes permet de soulever de nombreuses questions qui ont trait à la famille, aux liens, au rapport au corps et aux enfants. Cela permet également de développer un regard féministe sur les questions migratoires.

Merci à toutes et tous de vos questions et à très bientôt,

 

Camille Schmoll

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